Mourir le jour de mon anniversaire.
2021-12-11
Je publie une seconde fois un texte que j’ai récité lors du Festival International de la poésie de Trois-Rivières. Dans le cadre du rapport de la commission spéciale sur l’aide médicale anticipée, je souhaite de tout coeur que nous puissions nous faire ce cadeau de vie…
Si un jour. Si…
Mon corps est complètement emprisonné dans la paralysie comme l’Alzheimer
ou dans une maladie dégénérative incurable comme l’enfer.
Quand mes yeux seront fermés dans le vide de tous mes jours.
Et cadenassés pour le restant de mes nuits. Pour toujours.
Quand les dernières cellules de ma tête sècheront
dans le désert aride de mon cerveau.
Quand je serai un zombie chronique.
Parce qu’il a fallu geler ma démence agressive
avec des neuroleptiques.
Quand il me faudra des pilules engourdissantes,
pour tuer mes nerfs empoisonnés,
dans un état grabataire. Vision hallucinante!
Quand il faudra des tranquillisants forts
pour contrôler mes délires et
mes hallucinations folles; qui
feront peur aux petits enfants.
Quand je serai attaché sur une chaise gériatrique parce qu’on croit
me stimuler devant la fenêtre des arbres de mon printemps.
Quand je serai le dérangé en rangée
avec les autres dérangés dans leurs chaises rangées
devant la fenêtre des arbres de mon été.
Quand je râlerai près de ma chum Marie-Louise
qui sile en berçant sa poupée Barbie,
devant la fenêtre des arbres de mon automne.
Quand le végétarien que je suis bavera « son manger mou « végé »
auprès de son vieil ami Jeff.
Son ami qui essaie d’ouvrir ses paupières collées,
dans ses yeux séchés devant
la fenêtre des arbres de mon hiver.
Quand je ne saurai plus les saisons de ma vie.
Quand je ne ressentirez plus la pluie.
Le soleil. Le vent et la neige.
Quand je serai ni heureux. Ni triste. Rien.
Et ni rien. Tout en respectant le choix de chacun.
Quand je serai INVIVANT.
Recroquevillé dans un lit
Aphasique. Incontinent.
Si je répond à toutes ces conditions.
Je vous prie de respecter la poésie de ce consentement.
Alors après douze mois de ce périple inconscient.
Je vous demande de m’administrer
la douceur médicamenteuse
qu’il faudra pour que je m’endorme paisiblement.
Endormez-moi dans l’imagination du ciel
que je me dessinerai.
Je voudrai ressentir une vie en lumière de soleil.
En musique.
Et si je peux…
je vous promets de rire dans un rêve.
Et si je peux…
je vous promets de verser une petite larme…
Pour vous signifier que vous m’avez assez aimé
pour me laisser partir dans la plus grande dignité.
Je serai convaincu que j’honorerai mon humanité.
Parce que j’aurais choisi dans le bonheur d’aujourd’hui.
Le plus beau et le plus grand projet de ma vie:
Pour que ma fin de vie gagne sur ma mort sans fin.
Réaliser mon histoire jusqu’au bout.
Avec mes amours. Mes amis.
Partir le jour ou je suis né.
Le jour de mon anniversaire. Un 25 mars.
Célébrez!
Cheers!
Daniel
Festival International de la poésie
Jeudi 5 octobre 2017
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